Créé en 1987 par la Commission européenne sous l’impulsion de l’universitaire italienne Sofia Corradi (1934-2022), le programme Erasmus occupe désormais une place centrale dans la construction européenne. Conçu pour permettre aux étudiants d’effectuer une partie de leurs cursus dans un autre pays de l’UE avec reconnaissance automatique, il reposait sur une idée simple : rapprocher les peuples par l’expérience concrète de la mobilité.
Partir plusieurs mois permet en effet de découvrir une autre culture, d’apprendre une langue et de s’adapter à un nouvel environnement, des transformations individuelles qui alimentent progressivement un sentiment d’appartenance européenne. Le programme s’est vite développé : de 3 000 participants en 1987, il passe à des centaines de milliers dans les années 2000. Il connaît son heure de gloire en 2002 avec la sortie de « L’Auberge espagnole », un film de Cédric Klapisch qui connaît un succès considérable dans plusieurs pays et donne naissance au terme « génération Erasmus ».
En 2014, le programme devient Erasmus+, un dispositif élargi à d’autres pays que ceux de l’UE, dont l’Ukraine. Il regroupe à la fois enseignement supérieur, apprentissage, formation professionnelle, échanges de jeunes, volontariat et sport. Son budget (26 milliards d’euros pour 2021–2027) reflète ces ambitions et de nouvelles priorités : inclusion, transition écologique, numérique et ouverture sociale.
Pour les réfugiés ukrainiens arrivés en France depuis 2022, Erasmus+ représente bien plus qu’un simple programme de mobilité. Il constitue un pont vers la reconstruction personnelle : reprendre des études interrompues, renforcer des compétences, retrouver une dynamique professionnelle ou tisser des liens dans la société d’accueil. Erasmus+ permet aux étudiants déplacés de poursuivre un cursus, d’obtenir des crédits de connaissances reconnus dans toute l’Europe ou de découvrir un nouveau domaine d’études.
Pour les apprentis ou jeunes en reconversion, un stage ou une formation à l’étranger facilite l’accès au marché du travail européen. Le programme offre aussi un espace de socialisation, d’intégration culturelle et linguistique, crucial pour des personnes ayant quitté leur pays dans l’urgence. L’UE ayant créé des soutiens spécifiques pour les Ukrainiens, certaines mobilités peuvent être accompagnées d’aides renforcées.
Pour bénéficier d’Erasmus+, un réfugié ukrainien en France doit suivre une procédure simple. Première condition : disposer de la protection temporaire, qui garantit le droit de séjour, d’étude et de travail. Ensuite, il doit être inscrit dans une structure française participant au programme : université, établissement d’enseignement supérieur, lycée professionnel, centre de formation d’apprentis ou association impliquée dans les projets jeunesse.
Une fois intégré, il contacte le Service des relations internationales ou le bureau Erasmus+ qui présente les mobilités possibles, les calendriers et les critères de sélection. Le dossier est similaire à celui des autres candidats : lettre de motivation, preuve de scolarité, parfois entretien. Pour les jeunes hors système scolaire, les associations locales (Maisons de l’Europe, missions locales, MJC, ONG) offrent un accès direct aux projets « Jeunesse », sans exigence de diplôme ni de niveau de langue. Une fois accepté, le participant reçoit la bourse Erasmus — variable selon le pays — ainsi que des aides complémentaires (fonds d’urgence, soutien linguistique, accompagnement social).
Pour les réfugiés ukrainiens, Erasmus+ représente donc une opportunité concrète de poursuivre des études même dans un contexte d’exil. Cependant, la situation géopolitique actuelle impose la prudence : la guerre en cours, les incertitudes politiques au sein de l’UE et l’ampleur des besoins ukrainiens rendent l’avenir moins linéaire que ne le suggère parfois le discours institutionnel. Erasmus+ jouera sans doute un rôle important dans la reconstruction et l’ouverture européenne de l’Ukraine mais son impact dépendra étroitement de l’évolution du conflit et de la capacité de l’Union à maintenir son soutien sur le long terme.
Christophe Carmarans pour France Ukraine News






