Véritable patrimoine gastronomique dont l’histoire se confond avec celle de son terroir, le Roquefort est l’un des fromages français les plus emblématiques. Sa renommée internationale repose sur un savoir-faire unique, transmis depuis des siècles, et sur un environnement naturel exceptionnel. La légende raconte qu’un jeune berger, ayant oublié son pain et son fromage frais dans une grotte du Combalou, retrouva quelques semaines plus tard un fromage métamorphosé, parcouru de veines bleues dues au penicillium roqueforti, un champignon microscopique naturellement présent dans ces cavités.
Ce hasard fondateur illustre l’alliance de l’homme, de la nature et du temps. Dès le Moyen Âge, les grottes furent aménagées pour l’affinage et le Roquefort gagna en prestige, au point d’être convoité par les rois. En 1925, il devint le premier fromage français reconnu par une appellation d’origine, ancêtre de l’AOP de 1996, qui impose que seul un fromage affiné dans les caves de Roquefort-sur-Soulzon (Aveyron) puisse porter ce nom.
Ces caves doivent leur existence à l’effondrement du plateau du Combalou, il y a un million d’années. Grâce à ce phénomène géologique, les fissures dans la roche, appelées « fleurines », assurent une ventilation naturelle, maintenant une température de 6 à 10 degrés et une humidité proche de 95 %, soit des conditions idéales pour le développement du penicillium. Dès le Moyen Âge, les fleurines furent utilisées pour affiner les fromages et, aujourd’hui encore, chaque Roquefort y mûrit lentement, développant ses arômes de champignon, de noix et de beurre.
Le lait pour le fabriquer provient exclusivement de la brebis de race Lacaune, sélectionnée pour sa rusticité et la richesse de son lait. Elle est élevée dans le « Rayon de Roquefort », qui couvre six départements (principalement l’Aveyron mais aussi la Lozère, le Gard, l’Hérault, l’Aude et le Tarn). Traite des brebis de novembre à août, pâturages variés et alimentation locale assurent un lait onctueux, parfaitement adapté à la transformation. Chaque année, environ 15 000 tonnes sont produites, grâce à près de 3 000 éleveurs et à 2 000 salariés. Ce secteur vital soutient l’économie rurale de la région et préserve un mode d’élevage traditionnel.
Seulement sept maisons perpétuent la tradition : Société (fondée en 1842 et intégrée au groupe Lactalis), Gabriel Coulet, Le Vieux Berger, Papillon, Vernières, Carles et Les Fromageries Occitanes. Le Roquefort Société représente à lui seul plus de la moitié de la production, mais Gabriel Coulet et Le Vieux Berger jouissent d’une grande réputation qualitative grâce à leurs affinages longs et leur respect des méthodes artisanales. Leurs fromages, régulièrement primés, séduisent les connaisseurs du monde entier.
Il faut savoir que la fabrication obéit à un cahier des charges très précis. Le lait cru est ensemencé de penicillium roqueforti, caillé, moulé et salé. Les fromages sont ensuite piqués pour favoriser le développement des moisissures. Après un premier séjour en cave, ils sont enveloppés dans de fines feuilles d’étain, qui régulent l’affinage. Celui-ci dure au moins trois mois, mais certains fromages mûrissent jusqu’à un an, offrant alors une intensité aromatique et une pâte plus fondante.
Le Roquefort est aussi un symbole de résistance face aux pressions pour imposer la pasteurisation (procédé de conservation des aliments qui consiste à les chauffer à une température précise pendant un temps déterminé pour éliminer les micro-organismes pathogènes). Ses producteurs défendent au contraire le lait cru, garant du goût et de l’authenticité. Ils luttent également contre les contrefaçons, souvent des bleus de brebis pasteurisés qui entretiennent la confusion chez les consommateurs.
Cette année, le fromage célèbre le centenaire de son appellation, avec des expositions et des événements destinés à rappeler son rôle central dans l’identité aveyronnaise et française. Plus qu’un simple fromage, le Roquefort incarne en réalité la rencontre d’un territoire singulier, d’une race animale adaptée, d’un phénomène géologique unique et d’un savoir-faire ancestral. Bref, c’est un vrai miracle !
Christophe Carmarans pour France Ukraine News
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