La marque de vêtements japonaise Uniqlo soutient activement les Ukrainiens touchés par l’invasion russe depuis trois ans UNIQLO est partenaire du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) depuis 2006. Depuis, environ 54 millions d’articles ont été donnés dans plus de 80 pays. Après la signature du partenariat mondial en 2011, la collaboration a pris de l’ampleur et s’est intensifiée, finançant l’aide d’urgence, le soutien à l’emploi et les activités d’autonomisation. Cette aide se concrétise également par l’embauche d’Ukrainiens, comme Sergii Gnatenko que nous avons rencontré au magasin Uniqlo de Nice, dans le bâtiment Iconic, près de la gare SNCF. Il nous a fait part de son expérience.
À quelle occasion êtes-vous venu en France ?
Je cherchais un peu d’aventure pour changer de ma vie en Ukraine, et j’ai commencé ma carrière ici en France en tant que militaire. J’ai passé huit ans dans la Légion étrangère, pratiquement au début de la guerre en Ukraine (Ndlr celle qui a commencé en 2014). En fait, je suis en France depuis 2015.
Dans la Légion donc ?
Oui, dans la Légion. J’ai fait 8 ans et demi de service.
Vous êtes allés au combat ?
Je suis allé une fois en mission au Liban pendant 4 mois. Sinon j’ai fait une douzaine d’opérations Vigipirate (Ndlr : Vigipirate est le dispositif national français de vigilance, de prévention et de protection contre le risque terroriste).
Mais vous avez eu gros problème physique qui vous a fait changer de trajectoire. Comment c’est arrivé ?
Nous faisions du footing avec un sac à dos, un casque, comme il se doit, sur 8 km. Et soudain, mon genou m’a lâché. J’avais environ 30 ans. J’ai subi une intervention sur mon genou au niveau du ménisque. Mais l’intervention ne s’est pas bien déroulée et je suis devenu handicapé.
Vous marchez difficilement ?
J’ai des problèmes de flexion du genou. J’ai aussi des problèmes au quadriceps. Je n’arrive pas à récupérer mes muscles.
Et comment avez-vous atterri à Nice et chez Uniqlo ?
J’ai vu des annonces sur Facebook, avec ma femme. Et nous avons trouvé cette annonce d’Uniqlo, grâce à France Ukraine News. Après ma carrière militaire, je ne suis resté au chômage que pendant deux mois. J’avais déjà travaillé en Ukraine comme chef de district chez Auchan, dans la capitale, Kiyv.
Et après la Légion, êtes-vous retourné en Ukraine ?
Non. Je ne suis pas retourné en Ukraine. J’ai continué à vivre ici à Nice. Mais je n’ai pas réussi à trouver le même type de poste que j’avais en Ukraine.
Quel poste occupez-vous chez Uniqlo ?
Je suis staff, vendeur. J’ai raté deux fois le test d’évaluation pour viser plus haut parce que les questions en français, pour moi, c’est encore un peu dur. Je continue quand même à réviser. J’ai encore des motivations et un peu plus d’expérience maintenant. Ici chez Uniqlo, j’ai été bien intégré, il y aura certainement des choses à me proposer à l’avenir, mais pour l’instant, je reste comme vendeur.
Cet Uniqlo en plein centre de Nice n’a ouvert qu’il y a un an, ça a l’air de bien marcher ?
Oui, oui. Il y a une clientèle internationale. C’est Nice, c’est la Côte d’Azur !
Vous parlez français, un peu anglais ?
Anglais, pas trop. Un peu de polonais et un peu de bélarusse.
Et donc, l’adaptation, ça a été facile finalement…
Oui, on peut dire ça. Je me suis bien intégré. Ma femme, au début, c’était un peu compliqué pour elle parce qu’elle et mon fils étaient restés en Ukraine les premières années. Je ne suis parti en Pologne pour les récupérer qu’en 2022.
Le 24 février 2022, ils étaient à Kiyv ?
Pas Kiyv, mais à côté. Au début, ce n’était pas possible pour eux de quitter le pays. De mon côté, je passais tout le temps à regarder les nouvelles et à échanger des messages. C’était vraiment compliqué. Et puis un beau jour, on a vu que la situation devenait un peu plus calme et c’est à ce moment-là que ma femme est partie. Ça nous a pris 4 jours pour venir ici, en passant par la Pologne en prenant le train puis le car. C’était un peu le chaos …
Ça va, Nice, il y a de pire comme environnement…
Oui, c’est sûr. Je crois qu’on a fait un bon investissement ici en France, pour vivre. On est toujours dans notre cœur avec l’Ukraine aussi car notre famille est restée là-bas.
Vous avez vos parents encore là-bas ?
Oui, bien sûr.
Vous pensez les faire venir ici pour qu’ils soient plus à l’abri ?
Ce n’est pas trop clair. Parce qu’eux ne parlent pas du tout français, évidemment. Ils ont 72 ans et ils veulent rester tous les deux ensembles. Et c’est vraiment compliqué pour les faire venir ici, d’autant qu’ils ont des problèmes de santé.
Et donc, ici, vous avez une vie sociale, vous avez des amis français, des amis ukrainiens ?
Oui pas mal d’amis français. Surtout des collègues de chez Uniqlo. On va en salle de sport, on fait un peu de boxe…
Sinon, il y a aussi beaucoup d’amis ukrainiens, certains qui sont encore légionnaires. Et puis aussi des réfugiés qui, eux, sont installés en Italie. Ils sont venus ici plusieurs fois. Ils viennent faire des achats chez Uniqlo et après, on sort ensemble et on profite.
Vous avez quel rythme de travail ? Vous avez des horaires fixes ou ça change beaucoup ?
Non, à Uniqlo, pas tellement. Si je commence à 12h30 cette semaine, je vais travailler jusqu’à 20h30. C’est 8h00 d’affilée avec 1H00 de pause. Mais la semaine prochaine, je vais peut-être commencer à 7h00 jusqu’à 15h00.
Vous travaillez cinq jours par semaine ?
Oui, mais ce n’est pas forcément cinq jours d’affilée. J’essaie de m’arranger avec mon directeur pour pouvoir avoir des mercredis avec mon fils.
C’est ouvert 7 jours sur 7, ici ?
Oui, c’est ça. Il m’arrive de travailler le dimanche, mais comme c’est payé double, ça va ! Et le salaire est correct ici.
Uniqlo, c’est une bonne boîte ?
Oui très bien. Mais c’est un peu différent de travailler en Ukraine que de travailler ici en France. Ici, c’est plus libre. Tu peux bouger plus. Monter en grade, c’est plus flexible. En Ukraine, c’est un peu plus strict
Vous avez des projets ? Vous pensez faire carrière chez Uniqlo et rester sur Nice, ou bien… ?
Ici, en France, on ne peut pas dire qu’on reste toujours dans les mêmes jobs. J’ai 43 ans et Larissa 40. On a fait déjà investi dans un crédit. Notre projet, c’est de prendre un deuxième crédit immobilier en prévision de la retraite. Et si tout va bien, notre fils pourra habiter dans un deuxième appartement. C’est notre but, en fait, pour encore plus nous intégrer ici, en France.
Comment voyez-vous votre avenir chez UNIQLO ?
Je suis heureux de travailler chez UNIQLO, je me vois dans 5 ans comme un manager qui connaît son travail et la capacité de développer et de développer l’équipe. J’aime mon travail, j’aime les principes d’UNIQLO
Comment s’organise votre vie en France autour de votre travail ?
J’aime vraiment les sports et les activités de plein air. Avant d’aller me coucher, j’étire mes muscles. Le matin, je dors jusqu’à 8h00 au plus, puis je vais à la salle de sport ou je travaille avec des haltères à la maison, parfois, je vais au parc avec mon fils pour faire des tractions. Quand j’ai un jour de congé, ma famille et moi aimons aller au lac pour marcher dans les montagnes et nager.
Ça vous manque l’Ukraine ?
Bien sûr, surtout, la mentalité, parce que ce n’est pas comme ici. Et puis, bien sûr, c’est notre terre. Mais avec ce qu’il se passe actuellement, c’est compliqué. L’Ukraine, elle reste en moi malgré tout.
Et si jamais, par miracle, dans 5 ans, 10 ans, la situation devenait paisible, vous changeriez pour retourner vivre là-bas, ou bien, vous allez faire votre vie ici en France ?
Je ne peux pas dire que je ferme la porte à cette possibilité. La vie, ça continue. J’espère qu’un jour, l’Ukraine va rejoindre Union Européenne. Alors peut-être que, oui, à ce moment-là, on se posera peut-être la question. Mais maintenant, on ne peut pas rentrer. On est bien installés ici et c’est trop risqué, pour le moment. Si j’étais tout seul encore, j’y serais peut-être retourné. Mais avec ma famille ici, je ne peux pas, c’est clair.
Est-ce que la France, ça correspond à l’idée que vous vous en faisiez avant de venir ?
En fait, j’avais regardé l’Histoire de la France avant de venir et vraiment, je « kiffe » ! J’aime bien vos traditions, j’aime bien votre liberté, c’est très, très bien. Même pour s’entraider, vous êtes très souple, vous comprenez très bien la situation.
Sinon, la marque Uniqlo, vous connaissiez avant ? Il n’y a pas d’Uniqlo en Ukraine ?
Je ne savais pas que c’était une marque japonaise ! Et maintenant, que je suis là, je connais mieux leur identité bien sûr. Pour moi, c’est impeccable. En plus, on a 30% de réduction sur les achats. Uniqlo, c’est impeccable ! Ils ont de bonnes stratégies, de bons principes. J’ai envie des rester avec Uniqlo. C’est de la bonne qualité et, chaque année, ils progressent.
Propos recueillis par Christophe Carmarans pour France Ukraine News
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