La guerre déclenchée par la Russie le 22 février 2022 n’a pas empêché l’Ukraine d’accumuler un total de médailles remarquable aux JO paralympiques de Paris 2024 achevés le 8 septembre dernier. Malgré le conflit et ses innombrables conséquences (morts, blessés, traumatismes de toutes sortes, déplacements de populations, installations sportives détruites), la délégation ukrainienne s’est classée 5e au nombre total de podiums : 82 médailles dont 22 en or, 28 en argent et 32 en bronze, derrière seulement la Chine, la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Brésil, pays beaucoup plus peuplés.
Ce total est légèrement moins abondant qu’à Tokyo en 2021 (98 médailles) mais le contexte était, cette fois, bien différent. Avec 140 athlètes engagés dans 17 disciplines différentes, les Ukrainiens peuvent être fiers de ce bilan, en particulier en para-natation et en para-athlétisme, les deux sports les plus pourvoyeurs de médailles : 40 médailles dont 8 en or pour la natation, 19 médailles dont 8 en or pour l’athlétisme. Ces succès ne sont pas le fruit de la conjoncture ni ceux d’une génération spontanée. Régulièrement classée autour du Top 5 depuis les JO d’Athènes en 2004, l’Ukraine récolte les fruits d’une politique qui remonte à la catastrophe de Tchernobyl en 1986 et à la fin de l’URSS.
Les radiations provenant du drame nucléaire ont en effet laissé derrière elles toute une génération de victimes de handicap ou de malformations. La rupture avec l’URSS a marqué un tournant car l’inclusion était presque inexistante en Union soviétique, l’URSS ayant d’ailleurs rechigné à présenter une équipe aux Jeux paralympiques jusqu’en 1988. « La propagande dépeignait une société heureuse et sans problème : la place des handicapés était dans leur appartement. La discrimination était partout » déclarait durant Paris 2024 le président du Comité Paralympique Ukrainien, Valeriy Sushkevych, à la radio France Info.
Atteint de poliomyélite quand il était enfant, Valeriy Sushkevych – qui est également député au Parlement ukrainien depuis 1988 – est devenu après l’indépendance un pionnier du para-sport ukrainien à travers l’organisation Invasport qu’il a fondée en 1993. Il a créé un réseau de centres spécialisés dans chaque région du pays, en proposant aux jeunes en situation de handicap de s’essayer à différentes disciplines. Ces structures servent aussi aujourd’hui de lieu d’accueil pour les victimes de la guerre, à qui ces para-athlètes prouvent qu’une deuxième vie est possible après les blessures ou les mutilations.
« En tant qu’ancien athlète paralympique, j’ai pensé que le sport était un bon moyen d’y parvenir, de panser les plaies, de soigner les tête », assure-t-il. « Beaucoup se disent ‘ma vie est terminée’. Mais quand ils voient à la télé les performances de nos athlètes à Paris, ils peuvent s’identifier, prendre exemple, se dire que non, leur vie n’est pas finie ». Une image a dû en particulier ravir Valeriy Sushkevych : celle du podium du 100 m en para-athlétisme T35, quand le vainqueur Igor Tsvietov est monté sur la plus haute marchele 2 septembre devant les Russes Artem Kalashian et Dmitrii Safronov, obligeant les deux athlètes concourant sous bannière neutre à entendre l’hymne ukrainien retentir dans le Stade de France, un « supplice » qu’ils ont dû à nouveau subir le 7 septembre sur le 200 m.
Il faut savoir que Valeriy Sushkevych s’est beaucoup impliqué pour que les Russes et les Biélorusses ne puissent pas concourir sous la bannière de leurs pays respectifs à Paris 2024. Les relations ont d’ailleurs été glaciales les quelques fois où Ukrainiens et Russes se sont croisés à Paris.
Christophe Carmarans pour France Ukrane News
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